LA MAISON DU BAILLI ou MANOIR DE TOULOUSE LAUTREC
Inscrite aux Monuments Historiques – 2018
La Maison du Bailli de Boussagues,
Un nouveau bâtiment médiéval vient d’être inscrit aux Monuments Historiques dans notre vallée de l’Orb joyau de Boussagues, village médiéval fortifié qui fut le centre politique des Hauts Cantons au XIVème siècle et qui était doté de tous les organes de d’administration de l’époque : seigneur, consuls, bailli, juges, notaires, gens d’armes, etc. Elément de l’un de ses remparts, la Maison du Bailli se détache avec sa tour ronde et ses toits de faible pente en lauzes. Le baile ou bailli, représentant des seigneurs y demeurait.
L’édifice est une composition de plusieurs styles et connut plusieurs rénovations.
La face nord,sur l’enceinte et construite directement sur le rocher, remonte probablement au XIIIème/XIVème siècles et fut remaniée dès le XVème comme en témoignent les fenêtres à meneau aux deux étages avec des cordons d’appui en partie disparus et des larmiers dont un couvre deux d’entre elles. L’avant toit comporte 6 consoles de pierre. Au pied, des traces creusées d’écoulements d’éviers ou latrines.
La partie sud, à l’intérieur de l’enceinte est composée de la tour, d’une façade renaissance arrondie se prolongeant sur une partie est plus ancienne. L’arrondi actuel aurait été commandée par les Sénégra en 1565. Elle contient deux magnifiques fenêtres géminées en croix. Au pied, une arcade en quart de rond murée qui put être une boutique. Chaque fenêtre de cette partie est équipée de coussièges. La partie ancienne à l’ouest a deux fenêtres à encadrement simple et un guichet qui semble avoir été placé ultérieurement. A sa gauche, une figurine sculptée encastrée. Une porte murée donnait au bailli un accès particulier vers ce qui put être la maison communale d’où il devait rendre justice.
La tour est à escalier à vis à marches monolithiques, Elle dessert chaque étage jusqu’aux combles et de là une échelle de meunier mène à un pigeonnier contenant 172 alvéoles, ouvert sur l’extérieur par 9 boulins (trous). Les pigeonniers médiévaux étaient l’apanage de seigneurs des lieux et leur importance témoignait de leur richesse locale. Cette tour est éclairée de 4 fenêtres avec encadrement mouluré et larmier.
Ce manoir fut la propriété durant des siècles de la famille d’Alichoux de Sénégra, coseigneurs de Boussagues et Barons de Sénégra, Rocassels et autres lieux, dont le blason figure sur une dalle du chœur de l’église paroissiale.
Les Sénégra furent dépossédés de leurs biens à la Révolution. Mais un de leurs héritiers Joseph Honoré de Sénégra racheta le manoir vers 1860. Il ordonna des travaux intérieurs et envisagea d’ouvrir une école pour jeunes filles tenue par des religieuses tout en occupant le deuxième étage pour sa retraite. Il décéda avant son installation, mais sa nièce et héritière Armandine de Sénégra exauça ses vœux et ouvrit l’école qui dura jusqu’au début du XXème siècle après un refus de la municipalité d’une offre de don de la bâtisse. Cette école libre fonctionna environ 50 ans. En 1894, elle légua la propriété à son petit neveu Henri de Toulouse Lautrec, peintre célèbre de la fin du XIXème siècle. Il n’y vint jamais mais en connaissait la description. A sa mort, le manoir revint à mère Adèle, Comtesse Alphonse de Toulouse Lautrec-Monfa .
Le spectre de ce grand peintre est-il présent dans ce manoir ? Voici l’histoire : Les sœurs étaient en charge de l’école, mais aussi, plus tard, de prier pour l’âme de Henri de Toulouse Lautrec, à la vie parisienne dissolue… Après la mort du peintre (1901), deux sœurs restèrent dans le manoir jusqu’à leur mort. La dernière, Sœur Delphine, eut plusieurs fois en 1914 l’apparition d’un homme lui faisant le signe de la soif. Après plusieurs refus, cet homme cassa le cadran de l’horloge de la pièce et en tordit de rage le marteau du balancier et s’en fut. Le récit et la description de cet homme qu’elle fit à la mère du peintre puis au curé du village, rappela étrangement la tenue et l’allure physique caractéristique du peintre qu’elle n’avait pourtant jamais vu ! Le curé du village confirma le dommage sur l’horloge, redressa le balancier et attesta que ce ne pouvait pas être la force de la soeur qui avait pu le tordre ainsi. Il fut chargé de nouvelles prières pour l’âme du peintre ! A la mort de Sœur Delphine, le manoir fut fermé et resta vide de nombreuses années.
La bâtisse fut sauvée d’un effondrement prématuré en 1941 par la vente à un Boussagol de naissance GA DUCH qui entreprit un sauvetage provisoire de la toiture grâce à un maçon connaissant ces toitures antiques qui travailla en échange de bidons d’essence ! Mais le toit de la partie sud s’effondra en 1955, emmenant le plancher de l’étage au niveau inférieur, laissant deux trous béants. La restauration complète du manoir fut alors engagée et demanda une vingtaine d’années. Toutes les zones faibles furent renforcées progressivement : injections de ciment et tirants dans les murailles, ferrures incorporées aux portes aux linteaux de pierre cassées, charpentes toutes revues, sols refaits à l’identique, fenêtres, boiseries et cheminées refaites. Elle put être équipée d’un confort moderne à partir des années 1970 et reste une résidence privée.
Elle est ouverture partiellement au public en été, notamment dans le cadre des visites guidées bi-hebdomadaires du village organisées par l’association des Amis du Vieux Boussagues ( tel :06 21 71 65 53).